• Me voici de retour pour une nouvelle écrite à l'approche d'Halloween ! :)

    Bon, j'avoue ne pas savoir jusqu'à combien de mots à peu près on peut qualifier un texte de "nouvelle", puisque celui-ci est assez long... Mais bon, c'était pour la bonne cause ! (^.^) Je suis pas satisfaite de tout... Mais bon !

    Bonne lecture ! :D (message à Yuna : j'ai lu ce que tu m'as envoyé ^^ On en parle tout à l'heure)

     

    De l’autre côté du pont

    -        -  J’arrive toujours pas à croire qu’elle ait invité Mégane ! s’exclama Océane.

    -          Moi non plus… Mais je pense qu’elle voulait que tout le monde passe un bon moment agréable, peu importe si on ne s’entend pas toutes à merveille. Ça se comprend, vu ce qui s’est passé récemment…

    -         - C’est clair… Tout le monde ne s’est pas totalement remis de ce qu’a fait Clara.

    Elle ne répondit pas. Elle-même avait encore du mal à se faire à l’absence de la jeune fille.

    -         - Dis, Naya, tu ne t’es jamais demandé pourquoi elle a fait ça ?

    -          - Eh bien, je… commença cette dernière.

    -         - Naya, intervint sa mère en passant sa tête dans l’embrasure de la porte. J’aimerais que tu m’aides pour quelques petites choses avant d’aller chez ton amie.

    -        - Oui, maman ! répondit la concernée. J’arrive tout de suite. Océane, je dois te laisser, à ce soir ! lança-t-elle avant de raccrocher et de suivre sa mère au rez-de-chaussée.

    Tout en accomplissant ses corvées, elle réfléchit à ce qu’elle s’était apprêtée à dire à Océane. En effet, rien n’avait laissé présager à personne de leur classe que Clara se sentait si mal intérieurement. Sinon, pourquoi aurait-elle commis un acte si irréparable ? Elle avait mis plusieurs jours à digérer la nouvelle de son décès, ou plutôt son suicide. Après quelques temps dans une totale incompréhension, la culpabilité de ne pas avoir détecté plus tôt le mal-être de la jeune fille avait commencé à la ronger. Certes, elles se connaissaient depuis peu en réalité, mais cela ne les avaient pas empêchées de développer une complicité qui aurait dû lui permettre de se rendre compte que quelque chose n’allait pas. Et pourtant, elle n’avait rien vu, rien pressenti, rien fait. Son manque d’attention et son inaction la dégoûtaient. Cela faisait à présent plusieurs semaines que son sommeil était agité ; elle rêvait du fantôme de Clara venant la hanter et lui réclamer des comptes pour ne pas lui être venue en aide lorsqu’elle en avait besoin.

    Le soir-même avait lieu une pyjama party chez Julie, une fille de leur classe qui avait tenu à inviter toutes les autres de la seconde B afin de « passer un moment agréable entre filles »… Naya soupçonnait que Julie avait surtout compris qu’avec ce qui s’était produit, il était plus que jamais le moment de renforcer la cohésion au sein de leur classe.

    A dix-neuf heures tout pile, la mère d’Océane se gara devant son portail. Elle monta chercher son sac de couchage et retourna au rez-de-chaussée où sa mère l’attendait.

    -        - Ne fais pas de bêtise ! lui intima-t-elle avant de l’embrasser.

    -         - C’est promis ! répliqua Naya sur le même ton.

    -         - Appelle-moi demain quand je dois venir te chercher ! lui cria sa mère alors qu’elle montait dans la voiture d’Océane.

    Naya hocha la tête et claqua la portière. Sur le chemin de la maison de Julie, Naya entreprit de mettre un bracelet qu’elle n’avait pas eu le temps d’enfiler. Malheureusement, la chaine cassa alors qu’elle essayait de fermer le bracelet. Elle jura entre ses dents et fourra le bijou dans sa poche.

    -         - Alors, les filles, prêtes à vous éclater ? lança la mère d’Océane.

    -         - Maman, répliqua Océane d’un air blasé, c’est juste une pyjama party.

    -       -  Oui, mais une pyjama party le soir d’Halloween ! se défendit sa mère. C’est tout de même plus cool, tu ne trouves pas ? Alors, vous avez opté pour le spiritisme ou les films d’horreur ?

    -         - Maman ! s’exclama Océane en sursautant. Arrête… Tu sais que j’aime pas ce genre de trucs…

    Océane semblait à présent anxieuse. Naya sourit en repensant à la seule fois où elle avait essayé de regarder un film d’horreur avec elle ; la pauvre Océane avait passé la nuit cramponnée à sa couette, incapable de fermer l’œil et le teint encore plus blafard que le fantôme du film qui l’avait tant terrorisée… Sa mère qui, à l’instant présent, semblait aussi excitée que si c’était elle qui se rendait à cette soirée, offrait un contraste presque comique avec sa fille. Celle-ci essayait de la calmer mais elle ne cessa de s’exalter jusqu’à ce qu’elles soient arrivées à proximité de la maison de Julie. Elle s’arrêta à l’entrée de l’impasse où habitait la lycéenne.

    -       -  Pfiou ! s’exclama-t-elle. Ma vieille voiture ne va pas supporter la montée. Je vous dépose ici, si ça ne vous dérange pas. Amusez-vous bien !

    Elles acquiescèrent puis descendirent de la voiture. En effet, elles étaient en bas d’une allée en pente abrupte qui serpentait. Pendant que la mère d’Océane s’éloignait d’elles, les deux jeunes filles entamèrent la montée menant à la maison de Julie.

    -        - Je suis sure que Mégane va venir avec Ophélie, lança Océane.

    Naya acquiesça en signe d’approbation.

    -         - Je trouve que c’est bizarre qu’elles soient devenues si proches récemment, pas toi ?

    -       -  Moi aussi, ajouta Naya. Avant, Mégane traitait plutôt Ophélie comme son chien. Et elle, elle faisait tout ce que lui disait Mégane. C’est vraiment étrange qu’aujourd’hui elles se promènent bras-dessus, bras-dessous, comme si elles étaient nées ensembles !

    -        - Peut-être que Mégane a décidé d’arrêter de la traiter comme sa domestique, suggéra Océane.

    Naya ne répondit pas. Elle doutait fort de cette explication. Une personne comme Mégane ne changeait pas d’attitude comme ça du jour au lendemain…

    Elles remarquèrent tout de suite la maison de Julie ; c’était la plus décorée de tout le quartier. De l’extérieur, elle paraissait spacieuse, prête à accueillir une quinzaine de filles.

    -        - Elle n’a vraiment pas lésiné sur la déco, lança Océane. Ça donne la chair de poule, tu ne trouves pas ?

    -        - Bof, répondit Naya sans conviction.

    Julie les rejoignit à l’extérieur.

    -        - Coucou les filles ! s’exclama-t-elle. Vous êtes parmi les premières…

    Elle les invita à rentrer. A l’intérieur, la maison était encore plus décorée qu’à l’extérieur. Naya faisait sans cesse attention à ne pas se prendre les pieds dans les toiles d’araignées en coton et les insectes en plastique.

    -       -  Tout n’est pas totalement prêt mais c’est presque fini. Ça ne vous dérange pas qu’on dorme au rez-de-chaussée ? Il y a plus de place dans le salon que dans ma chambre…

    En effet, le salon était très spacieux et pouvait accueillir toutes les filles invitées, pour peu qu’elles se serrent un peu. Certaines d’entre elles étaient déjà là et avaient déjà installé leurs affaires.

    -        - Vous pouvez poser vos sacs, déclara Julie en souriant. J’espère qu’on va passer une soirée géniale !

    -        - Moi aussi ! s’exclama Magaly. J’ai ramené quelques films si tu n’en avais pas prévu…

    -         - Ah non ! s’écria Océane. Tout le monde sait que tu es fan de Saw. Je ne suis pas venue ici pour vomir mes tripes !

    -         - On se calme ! intervint Julie d’un air gêné. De toute façon, c’est gentil mais j’ai déjà prévu le programme de la soirée…

    Elle retourna à la cuisine dans laquelle le repas n’était pas encore prêt.

    -        - Au moins, j’aurais essayé… marmonna Magaly en rangeant ses Dvd aux couvertures maculées de sang dans son sac.

    -        - Ne t’en fais pas, la consola Elise, une de ses amies. Je suis sure qu’on va très bien s’amuser sans tes films d’horreur…

    -     - Tout de même, intervint Océane qui s’était tue depuis sa réaction pour le moins excessive au vu des films de Magaly, Halloween est une fête un peu oubliée de nos jours, c’est étrange que Julie soit autant à fond dedans…

    -        -  Julie aime bien cette fête, lança une voix émanant du couloir.

    Les filles se retournèrent à l’unisson. Une personne entra dans le salon ; celle-ci, qui selon toute vraisemblance était une fille, portait une robe noire et un chapeau de la même couleur. Pas un classique chapeau pointu, pour l’évènement du jour, mais une sorte de chapeau melon en velours surmonté d’une rose rouge. Du reste, on arrivait difficilement à la voir comme une personne : elle avait les yeux injectés de sang et c’était comme si un filet rouge coulait de ses sourcils. Elle avait le teint étonnamment pâle et des marques se suivaient sur ses bras comme si elle les avait tailladés avec un couteau et les avait laissés cicatriser. Ses collants troués et effilés à certains endroits laissaient entrevoir des trainées rouges sur ses jambes. Naya réprima un haut le cœur devant cette scène.

    -        - Stella, qu’est-ce que tu fais encore là ? demanda Julie en faisant irruption dans la pièce à son tour.

    Sa voix était marquée par l’agacement.

    -        - Tu ne dois pas être à ta soirée ? reprit-elle en levant les yeux au ciel.

    -       -  J’y vais, justement, répliqua la dénommée Stella en réajustant son chapeau. Amusez-vous bien, les filles ! lança-t-elle en faisant un clin d’œil à Naya et aux autres. J’espère que vous aimerez la séance !

    Sans un mot de plus, elle s’éclipsa, laissant le petit groupe de filles étonnées.

    -        - C’était ma sœur, les informa Julie en répondant aux interrogations muettes de ses invitées. Elle va à une soirée déguisée sur le thème d’Halloween.

    Les préparatifs pour leur pyjama party étaient loin d’être terminés. Naya se proposa d’aider Julie à la cuisine tandis que les autres finissaient de préparer le salon, censé accueillir une quinzaine de filles surexcitées.

    -        - Je n’aurais jamais pensé que prévoir à manger pour toutes les filles de la classe serait si long et embêtant ! s’exclama Julie. C’est gentil de ta part de m’aider… ajouta-t-elle en souriant. Une chance que mes parents et ma sœur nous aient laissé la maison pour la journée.

    -        - C’est vrai que tu m’as l’air un peu branchée Halloween, murmura Naya.

    -        - C’est pas faux, admit Julie avec un sourire. J’aime bien cette fête, même si elle a perdu de l’ampleur ces dernières années… Dis, Naya ?

    -         - Oui ?

    -        - Je peux te confier quelque chose ? chuchota Julie.

    Naya acquiesça en silence.

    -        - J’ai prévu une petite expérience cette soirée…

    La brune se raidit ; qu’avait bien pu prévoir Julie pour être si gênée de la mettre dans la confidence ? Elle n’osait y penser…

    -        - Je sais que tu te sens mal à propos de Clara, déclara-t-elle d’un seul coup. Tu n’es pas la seule, à vrai dire… Elle est partie d’une telle façon… Je n’arrive toujours pas à y croire. C’est pour ça qu’aujourd’hui, je pensais qu’on… enfin tu vois…

    -         - Viens-en au fait, coupa Naya.

    Elle s’était mise à serrer la cuillère avec laquelle elle mélangeait la sauce pour les chips si fort que les jointures de ses doigts avaient blanchi.

    -        - J’aimerais essayer de communiquer avec Clara, déclara calmement mais fermement Julie.

    Le saladier s’écrasa au sol avec fracas. Naya s’excusa et se baissa pour nettoyer le carrelage. Julie était restée silencieuse, consciente du choc de Naya.

    -        - Naya, je… finit-elle par dire.

    -        - Tu es vraiment sérieuse ? la coupa la jeune fille.

    Elle se redressa et fit face à Julie.

    -        - Eh bien… je… balbutia celle-ci.

    -        - Tu ne trouves pas que c’est assez horrible comme ça ?!

    La phrase avait fusé naturellement et était empreinte de colère.

    -        - Naya, ne t’énerve pas…

    -        - Comment peux-tu dire ça ?! s’écria la jeune fille.

    Les larmes lui montaient déjà aux yeux.

    -        - J’ai mis énormément de temps à surmonter la mort de Clara… Je ne m’en suis même pas encore remise… Comment peux-tu nous faire ça à toutes ?!

    -      - Naya, écoute moi… se défendit Julie. Ce n’était pas pour augmenter ta douleur. J’aimerais tellement demander pardon à Clara… M’excuser pour ne pas avoir vu à quel point elle avait dû se sentir mal pour en arriver à ce point.

    Elle prit les mains de Naya entre les siennes.

    -       - Naya, tu n’es pas la seule à te sentir coupable, lui assura-t-elle. J’espère que cette séance nous permettra à toutes de passer à autre chose… Regarde.

    Elle ouvrit un des tiroirs du meuble central de la pièce et en sortit un carnet usé, fermé par un cadenas.

    -        - Qu’est-ce que c’est ? se hasarda Naya.

    -        - Le journal intime de Clara, répondit Julie. Je l’ai trouvé en débarrassant son casier. Je ne l’ai pas lu, ajouta-t-elle après une courte pause. J’ai l’intention de le lire ce soir devant vous toutes.

    Elle rangea le journal dans le tiroir duquel elle l’avait sorti quelques secondes auparavant.

    -         - Mais… tenta Naya, ce n’est pas un peu indiscret ? Je veux dire… C’est quand même son journal intime.

    Julie esquissa un sourire gêné.

    -         - Dis, Naya, tu n’as jamais voulu savoir ce qui a bien pu pousser Clara à commettre un tel acte ?

    Julie marquait un point, mais Naya ne pouvait toujours pas se résoudre à fouiller si impunément dans l’intimité de la défunte. Le fil de sa pensée fut interrompu par la sonnette de la porte d’entrée.

    -        - Mégane et Ophélie sont arrivées ! s’écria Océane en faisant intrusion dans la pièce. Je te l’avais dit, ajouta-t-elle à l’adresse de Naya.

    Les trois filles rejoignirent les deux arrivantes au salon où elles étaient déjà en train d’installer leurs affaires.

    -      - Regarde Mégane, chuchota Océane à l’oreille de Naya. Ces dernières semaines, elle fait vraiment peu d’efforts question style…

    Même si Naya portait peu d’attention aux vêtements et à l’apparence des autres, elle devait avouer que Mégane, une fille qui portait énormément d’attention à son apparence physique, s’était énormément laissée aller ces dernières semaines. Elle allait au lycée sans se coiffer, portait les mêmes vêtements trois jours d’affilée et ne se maquillait plus. Bien qu’elle ne la portât pas dans son cœur, Naya se sentait un peu mal de la voir ainsi.

    Les tâches furent réparties entre les filles à mesure qu’elles arrivaient. Vers dix-neuf heures, toutes les invitées étaient arrivées.

    -        - Que diriez-vous d’un petit en-cas ? proposa Julie en entrant dans le salon, les bras encombrés de bouteilles de jus de fruit.

    La proposition eut beaucoup de succès chez les lycéennes qui ne refusèrent pas la pause qu’on leur accordait. Alors que les discussions battaient leur plein, Julie se racla la gorge et réclama de l’attention.

    -         - Je vous ai toutes invitées pour que nous passions une superbe soirée, commença-t-elle, mais je voulais également vous faire part d’une… découverte.

    Elle marqua une pause.

    -        - Qu’est-ce que… se hasarda une fille.

    -        - J’ai trouvé le journal intime de Clara, coupa Julie.

    Le silence qui s’en suivit fut pesant. Certaines filles écarquillaient les yeux en fixant Julie avec incrédulité tandis que d’autres échangeaient entre elles des regards apeurés.

    -         - Tu… Tu l’as ouvert ? finit par demander Magaly au bout d’une trentaine de secondes.

    Julie remua la tête en signe de dénégation.

    -     - Je sais que vous pouvez trouver ça indiscret, mais j’aurais aimé que nous essayions de savoir ce soir les raisons pour lesquelles Clara en est arrivée là. Je pensais qu’après on pourrait lui demander pardon de façon plus correcte.

    -         - Lui demander pardon ? intervint Elise. Comment tu veux qu’on lui demande pardon ? Elle est…

    Elle s’interrompit brutalement, bouche bée.

    -         - Non, tu n’es pas sérieuse ?! s’écria soudainement Ophélie.

    Elle semblait terrorisée.

    -        - J’ai déjà assisté à ce genre d’expériences avec ma sœur, expliqua Julie. On peut tout de même essayer, je suis sure qu’on se sentira mieux après ça…

    -        - Parle pour toi ! intervint Mégane avec une moue méprisante.

    Toutes se tournèrent vers elle.

    -       -  Tu te sens peut-être coupable de je-ne-sais-quoi, mais ce n’est pas le cas de tout le monde, continua-t-elle sur le même ton. Tu pourrais ne pas nous imposer ça à toutes.

    Ponctuant sa phrase d’un haussement de sourcil méprisant, elle se leva et quitta la pièce, suivie de près par Ophélie.

    -        - Je suis désolée, déclara Julie quelques instants plus tard. J’aurais dû mieux y réfléchir… Je vais…

    -        - Moi, j’ai envie de le faire, coupa Elise.

    Elle avait les larmes aux yeux.

    -      -  Depuis cet incident, je n’ai pas arrêté de me demander pourquoi elle avait fait ça. Tout avait l’air de bien se passer. Cela allait bientôt être son anniversaire et nous avions pleins de projets… Je… Je veux savoir ce qui s’est passé. Ce qui se passait… Pendant que je ne voyais rien…

    -          De grosses larmes roulaient à présent le long de ses joues et s’écrasaient sur le sol du salon.

    Magaly lui prit la main.

    -         - C’est d’accord, concéda-t-elle. On va lire ce journal… Et tu verras que ce n’était pas ta faute, que tu n’y es pour rien…

    -        -  Très bien, déclara Julie alors qu’Elise commençait à sécher ses larmes. On va se servir à manger et j’essaierai de trouver de quoi ouvrir le cadenas du journal de Clara.

    -         - Et Mégane et Ophélie ? demanda Océane.

    -          - Je vais les chercher, lança Naya en se levant.

    Elle joignit le geste à la parole et sortit de la pièce. Du couloir, elle entendit des chuchotements émanant du premier étage et commença à monter les escaliers sur la pointe des pieds.

    -         - Et si elle avait noté quelque chose à propos de ça ? demanda une fois effrayée.

    -         - Ne sois pas ridicule, répliqua une autre. C’était un accident. C’est arrivé sur le coup. Elle n’a pas pu écrire quoi que ce soit à ce sujet dans son journal.

    -         - Tout ça c’est de ta faute ! On n’en serait pas là si tu avais réussi à te contrôler…

    Au fur et à mesure que Naya montait les marches, elle se raidissait. Se pourrait-il qu’elles soient en train de parler de… ?

    Elle entendit un bruit sourd et accéléra sa montée tout en tâchant d’être discrète. Une fois arrivée en haut, elle ne fut pas surprise de découvrir des visages d’Ophélie et de Mégane éclairés par la faible lumière de la lune. Mégane avait plaqué Ophélie contre le mur et la maintenait dans cette position avec ses deux bras.

    -         - Dis donc, lança-t-elle à l’intention de sa captive, tu deviens bien téméraire à me parler comme ça… Que ce soit clair ; si je plonge, tu plongeras avec moi. Alors tu ferais mieux de m’aider à camoufler cette histoire.

    Elle relâcha la pression de ses bras et Ophélie se dégagea en haletant.

    -         - Tu vas trouver le compteur d’électricité, lui lança Mégane, il me semble l’avoir vu à l’entrée, dans un coin. Je vais tâcher de trouver où est ce journal. Ensuite, tu n’auras qu’à tout éteindre et je profiterai de leur frayeur d’ados écervelées pour aller récupérer ce maudit journal. Et on n’en parlera plus.

    Naya commença à descendre les marches, de peur d’être surprise par les deux filles qui étaient vraisemblablement sur le point de rejoindre les autres au rez-de-chaussée. Elle accéléra le pas en entendant les voix de celles-ci se rapprocher puis, une fois arrivée en bas, se cacha sous les escaliers. La pénombre dans laquelle était plongé le couloir lui permettrait surement de passer inaperçue…

    Elle entendit les pas d’Ophélie et de Mégane se rapprocher puis elle vit leurs ombres passer devant elle et se diriger vers le salon. Son cœur rata un battement et elle se mordit la langue. Elle aurait dû directement s’y rendre aussi ! A présent, son absence allait sembler très suspecte… N’attendant pas une seconde de plus, elle rejoignit à son tour la pièce où étaient réunies toutes les autres invitées.

    Quand elle entra dans la pièce, tous les regards se tournèrent vers elle.

    -         - Que faisais-tu ? demanda innocemment Magaly. Tu es partie les chercher et elles sont revenues avant toi !

    Elle s’esclaffa, inconsciente de la posture inconfortable dans laquelle elle venait de mettre Naya. Celle-ci remarqua que Mégane la foudroyait du regard et commença à se sentir mal à l’aise.

    -         - Je suis partie les chercher, commença-t-elle en essayant de se donner un air assuré, mais je ne les ai pas trouvées. Je me suis dit que vous étiez peut-être sorties et j’ai décidé de revenir.

    Elle conclut sa déclaration d’un petit rire gêné pour essayer de détendre l’atmosphère. Heureusement pour elle, sa tentative fut couronnée de succès et plus personne ne lui posa plus de question sur ce qu’elle avait fait durant son absence.  Elle eut également l’impression que les deux filles qu’elle avait surprises en train de discuter s’étaient détendues en entendant son explication. Cependant, elle n’eut pas le temps de se féliciter de sa courbette que Mégane lança :

    -         - Dis, Julie, concernant le journal dont tu nous as parlé… Ça pourrait être autre chose que son journal intime… Tu es sure de ne pas t’être trompée ?

    -         - Sure et certaine ! répliqua Julie, piquée au vif. J’irai le chercher dans la cuisine tout à l’heure.

    Mégane esquissa un sourire tandis que Naya grimaçait.

    "Voilà, elle a obtenu ce qu’elle voulait", pensa-t-elle amèrement. A présent, il n’y avait plus qu’à attendre la fausse panne de courant et la mystérieuse disparition du journal de Clara… A moins qu’elle ne stoppe tout ça.

    L’idée venait de jaillir dans sa tête. Après tout, elle était au courant du déroulement de leur plan ; elle pouvait donc les empêcher de le concrétiser. Sa décision prise, elle attendit que Mégane donne le signal à Ophélie pour couper le courant, ce qui ne tarda pas à se produire. Alors que la jeune fille se dirigeait vers le couloir, elle s’exclama :

    -         - J’ai perdu mon bracelet ! Je suis sure que je l’avais au poignet en arrivant et à présent je ne l’ai plus !

    - Trop tard ! Ophélie était déjà sortie de la pièce et allait surement les plonger dans le noir d’un instant à l’autre. Qu’à cela ne tienne ; même si son effet de surprise était gâché, elle pouvait toujours s’en servir pour faire diversion.

    -         - Tu es sure que tu l’avais en rentrant ? demanda Julie, quelque peu sceptique.

    -        -  Oui ! s’empressa de répondre Naya. C’était un cadeau de ma grand-mère, ajouta-t-elle pour donner un ton dramatique à son histoire.

    -         - Bon, on  va t’aider à le chercher, déclara Julie.

    Au grand plaisir de Naya, toutes les filles (ou presque) s’empressèrent de proposer leur aide. Certaines commencèrent à fouiller dans le salon tandis que les autres s’engouffrèrent dans le couloir. A cet instant précis, la lumière s’éteignit. Naya ne perdit pas une seconde et s’élança dans le couloir, bousculant une bande de filles paniquées trop occupées à crier pour se rendre compte de la situation. Au passage, elle sortit le bracelet cassé de sa poche et le jeta sur le sol. La maison de Julie était grande mais, heureusement pour elle, elle avait une très bonne mémoire et se rappela le chemin jusqu’à la cuisine sans trop de problème. Elle courut aussi vite qu’elle le put, encore plus vite qu’en cours de sport, et atteignit la cuisine en un temps record. Mais là, impossible de se rappeler dans quel tiroir était rangé le fameux journal. Elle se jeta donc sur le premier tiroir qui se trouva à portée de main et plongea la main dedans. Rien. En tâtonnant, elle fit de même avec trois autres tiroirs. Son cœur battait la chamade et elle suait à grosses gouttes. Et si Mégane faisait irruption dans la pièce à ce moment donné ? Alors qu’elle commençait à paniquer, elle ouvrit un cinquième tiroir et y trouva enfin ce qu’elle cherchait. Elle s’en empara et referma le tiroir d’un coup sec. « Mais que faire à présent ? » se demanda-t-elle. En effet, obnubilée à l’idée de trouver ce journal avant que Mégane ne puisse s’en débarrasser, elle n’avait pas réfléchi à ce qu’elle ferait lorsqu’elle serait en possession du dit journal… Le cacher ? Mais  ? Elle n’eut pas le temps de se poser davantage de question qu’elle se sentit tirée en arrière. Quelqu’un lui avait agrippé le T-shirt et la tira violemment en arrière de sorte qu’elle finit allongée sur le sol de la cuisine avec une douleur aigue au niveau du bassin. La personne qui l’avait mise à terre entreprit de lui arracher le journal des mains. Naya se débattit, mais l’autre personne avait une force surprenante… De désespoir, elle lui décocha un coup de pied et profita que son assaillante recule sous le coup pour se relever et lui foncer dessus, tenant le journal fermement contre sa poitrine. L’autre personne fut projetée par terre à son tour. Elle voulut profiter de ce moment de faiblesse pour sortir de la cuisine mais, en tentant d’enjamber celle qu’elle avait fait tomber, celle-ci lui attrapa la jambe, la faisant tomber à son tour (une seconde fois). Elles se relevèrent à l’unisson et l’autre personne se jeta sur Naya et tenta une nouvelle fois de lui arracher le journal. Celle-ci se redressa autant qu’elle le put et leva le journal au-dessus de sa tête, essayant de le rendre inaccessible. L’autre personne leva ses bras de la même manière et poussa Naya contre le mur. Celle-ci fulminait ; elle était maintenant coincée et elle savait que sa tentative ridicule pour rendre le journal de Clara hors de portée ne porterait aucun fruit. En effet, son adversaire (puisqu’il s’agissait bien d’une lutte) avait eu tôt fait d’attraper le journal et le tirait à présent dans sa direction. De plus, elle faisait peser tout le poids de son corps sur Naya, qui commençait à suffoquer et qui pensait au moins pouvoir compter sur sa force pour retenir le précieux journal au maximum. Malheureusement, elle comprit rapidement qu’elle ne tiendrait pas longtemps ; ses forces commençaient déjà à l’abandonner et elle ne pouvait rien faire pour échapper à Mégane (car elle était sure que c’était elle). Celle-ci avait une force surprenante et que Naya n’avait pas soupçonné jusque-là. Tout à coup, elle sentit quelque chose d’humide atterrir sur son cou. Leurs visages n’étaient qu’à quelques centimètres l’un de l’autre. Se pouvait-il que Mégane… pleurait ? Naya n’eut pas le temps de vérifier cette hypothèse qu’elle reçut un violent coup de poing à l’estomac. Sous le choc, elle relâcha le journal et se plia en deux. Mégane, ayant trop tiré sur le carnet, tomba en arrière. Naya profita de cet instant de liberté pour sortir de la cuisine en courant. Elle était en colère d’avoir ainsi perdu le journal de Clara mais elle craignait que le courant ne soit rétabli pendant qu’elle était encore dans la cuisine avec Mégane. Avec autant de fille, elle ne pouvait pas se débarrasser facilement du journal. En s’éloignant ainsi de la cuisine, elle espérait que Mégane ne découvre pas immédiatement que c’était contre elle qu’elle s’était battue… Et qu’elle aurait plus de temps pour réfléchir à un plan. Elle courut à nouveau dans la maison mais cette fois dans la direction opposée. Elle atteignit en très peu de temps l’entrée du salon où elle avait laissé les autres quelques minutes auparavant. Elle remarqua avec une pointe de moquerie que celles-ci avaient l’air toujours aussi désorientées. Elle sentit quelqu’un lui agripper le bras.

    -         - C’est qui ?! cria la personne.

    Elle reconnut la voix d’Océane.

    -         - C’est… c’est Naya, répondit-elle entre deux respirations.

    Elle haletait. Il fallait qu’elle se calme ou tout serait fichu… Il ne fallait rien laisser transparaître, sinon il ne faudrait que quelques secondes à Mégane pour tout comprendre.

    -         - Naya, tu es toute moite… commença Océane.

    Elle s’arrêta lorsque cette dernière lui pinça sans ménagement le bras.

    -         - Aïe ! Mais qu’est-ce que… s’indigna-t-elle.

    -         - S’il te plaît… coupa Naya en chuchotant. S’il te plaît… Ne dis rien à personne.

    -         - Naya, reprit Océane en chuchotant, on dirait que tu viens de courir un marathon…

    -         - Je sais, je sais… répliqua-t-elle. Mais… Il ne faut pas que les autres le sachent. S’il te plaît, ne dis rien.

    A ce moment donné, la lumière fut à nouveau allumée dans le salon. Le couloir n’était pas très éclairé, mais Naya réussissait à voir le visage d’Océane qui se trouvait près d’elle. Elle arborait une mine très sérieuse.

    -         - Respire, lui ordonna-t-elle fermement. Inspire fort et expire fort. Allez…

    Naya s’exécuta et tenta de réguler sa respiration très irrégulière. Elle devait l’avouer ; Mégane lui avait fait peur… Elle avait une force incroyable pour une jeune fille de son âge et était vraisemblablement prête à l’utiliser pour obtenir ce qu’elle voulait. D’autant plus qu’elle semblait être mêlée à la mort de Clara… Qu’avait-il bien pu se passer pour qu’elle cherche tant à récupérer ce journal ? Quelles informations pouvait-il contenir ? Et qu’étaient-ce ces larmes ? Autant de questions sans réponses qui l’empêchaient de se calmer totalement et la plongeaient dans une perplexité totale. Julie revint dans le couloir et y alluma la lumière.

    -        -  C’était juste un problème au niveau du compteur, expliqua-t-elle en souriant. Je ne sais pas comment ça a pu se produire, désolée les filles ! Maintenant, on peut retourner dans le salon…

    Elle s’avança dans le couloir et s’arrêta tout à coup.

    -          - Oh ! s’exclama-t-elle. Naya, ce n’est pas le bracelet que tu cherchais ?

    Elle ramassa le bijou et le tendit à sa propriétaire. Celle-ci ne broncha pas, le regard perdu dans le vide. En vérité, elle était encore sous le choc de la scène qui venait de se dérouler dans la cuisine. Mégane venait d’arriver dans le couloir et, si cela semblait être passé inaperçu aux yeux des autres filles, cela ne l’était pas pour Naya. Elle se demandait si Mégane savait que c’était elle qu’elle avait rencontrée dans la cuisine… Et si elle le savait, qu’allait-elle faire ?

    -         - Naya ? demanda Julie.

    -         - Ne t’inquiète pas, intervint Océane, elle a juste eu peur.

    -         - Peur ? interrogea Julie.

    -     - Oui, assura Océane. Pendant toute cette panne de courant, elle est restée agrippée à mon bras, persuadée que c’était l’œuvre d’un fantôme… Crois-moi, cette fille fait la dure mais quand elle est dans certaines situations, c’est une vraie poule mouillée !

    Naya, spectatrice impuissante de la scène, pensa que cette dernière phrase d’Océane était quelque peu ironique compte tenu de son expérience personnelle en ce qui concernait la peur… Mais elle lui était tout de même reconnaissante de lui avoir fourni un alibi pour tout le temps pendant lequel elle était en réalité dans la cuisine. Ainsi, les soupçons de Mégane ne s’attarderaient pas sur elle… Elle récupéra son bracelet cassé et le remit dans sa poche, puis toutes les filles retournèrent dans le salon. Julie avait prévu de manger et ensuite tester l’expérience de communication avec Clara, mais devant l’insistance d’Elise, elle déclara aller chercher le journal dans la cuisine. Naya grimaça ; qu’allait faire Julie quand elle se rendrait compte que le journal avait disparu ? De plus, si elle révélait qu’il avait été dérobé, Océane, à qui elle n’avait rien expliqué, risquait de penser qu’elle était responsable de la disparition du carnet et de la trahir… Les quelques minutes que prit Julie pour faire l’aller-retour du salon à la cuisine lui semblèrent interminables. Le stress commençait à monter en elle et elle commença à se tordre les doigts pour essayer d’évacuer sa peur. Elle commença à penser à l’implication que pouvaient avoir Mégane et Ophélie dans la mort de Clara. Un accident, avait dit Mégane ? Clara ne s’était donc pas suicidée… Elle serra les poings. Elle ressentait à présent un mélange de colère à l’égard des deux filles mélangé à la peur vis-à-vis de ce dont elle les savait à présent capable. Elle commençait à redouter leur réaction si jamais elles venaient à apprendre qu’elle était au courant de cette histoire quand Julie entra une nouvelle fois dans le salon. Elle avait l’air dépitée.

    -      - Je ne retrouve pas le journal, déclara-t-elle avec une mine préoccupée. Je suis sure qu’il était dans un des tiroirs de la cuisine tout à l’heure mais il a disparu…

    -        -  Je me disais bien que ton histoire était bizarre, lança Mégane. Tu as dû te tromper, voilà tout. Maintenant, tu ferais mieux d’oublier cette histoire et de faire ton deuil correctement.

    Julie la fusilla du regard.

    -         - Tu… Tu es sure que tu ne l’as pas oublié dans ton casier ? demanda Magaly qui sentait la tension entre les deux filles.

    -         - Oui, tu l’as peut-être laissé à l’école, renchérit Elise.

    -         - Peut-être… marmonna Julie, abandonnant toute argumentation.

    Elle releva la tête et fixa Naya. Toutes deux savaient qu’elle ne l’avait oublié nulle part et que le journal se trouvait bien dans la cuisine en début de soirée. Cependant, elles ne pouvaient rien faire.

    -         - Que fait-on, dans ce cas ? demanda Elise.

    -         - On peut toujours essayer de communiquer avec elle… proposa Julie.

    -         - Je suis d’accord, intervint Naya.

    Les autres la regardèrent, interloquées, mais seul le regard pesant de Mégane la gênait. Cette dernière ne devait pas avoir totalement levé ses soupçons sur elle. Elle inspira pour se donner contenance.

    -      - Au début, je n’avais pas spécialement envie de le faire, expliqua-t-elle. Mais Julie a raison ; je veux demander pardon à Clara correctement. Personne n’a vu venir ce qui s’est passé. Pourtant, si Clara s’est suicidée, il doit forcément y avoir une raison, n’est-ce pas ?

    Elle jeta un regard à Mégane. Celle-ci lui envoya un regard assassin que Naya lui rendit. « Au moins, le message est passé cette fois » pensa-t-elle. En effet, la colère qu’elle avait ressentie en repensant à ce qui était arrivé à Clara avait momentanément eu raison d’elle et elle avait eu envie de provoquer Mégane. Elle voulait lui faire savoir qu’elle était au courant et, elle l’espérait, lui faire peur à son tour. Julie, trop contente que son projet ne soit pas totalement tombé à l’eau, accueillit chaleureusement la proposition de Naya.

    Sous les instructions de Julie, les filles se placèrent donc en cercle (ou du moins, tentèrent d’en former un vu la forme de la pièce et le nombre qu’elles étaient). Alors qu’elles se disposaient ainsi, la lumière s’éteignit. Naya sursauta ; cette fois, aucune fille n’était sortie de la pièce…

    -        -  Oh zut ! s’exclama Julie. Il doit vraiment y avoir un problème avec le compteur…

    Refusant de se déplacer une nouvelle fois pour régler ce problème, elle sortit des bougies et les alluma. Naya frissonna ; à présent, elle regrettait d’avoir encouragé une telle expérience. Après avoir allumé une dizaine de petites bougies disposées au milieu de la pièce, Julie s’assit pour fermer le cercle (ou la forme indistincte) dessiné par ses invitées.

    -         - Fermez les yeux, ordonna-t-elle.

    Naya s’exécuta.

    -         - Clara… commença Julie. Clara… Si tu nous entends, viens parmi nous.

    Brusquement, la lumière se ralluma. Toutes sursautèrent. Océane et quelques autres filles crièrent même.

    -         - Qu’est-ce que c’était ?! s’écria Magaly.

    -         - C’est Clara ! s’exclama Océane. Je suis sure que c’est pour nous signifier qu’elle est là !

    Naya n’était pas très convaincue de cette explication mais ne comprenait toujours pas ce qui se passait.

    -         - Ne vous affolez pas, déclara fermement Julie. Clara est notre amie ; nous n’avons donc rien à craindre.

    « Parle pour toi » pensa Naya avec amertume. Elle attendait de voir comment allait se dérouler la suite des évènements, mais il fallait qu’elle tire au clair la responsabilité qu’avaient Mégane et Ophélie concernant la mort de Clara.

    -         - Il faut qu’on continue, reprit Julie.

    Après une courte pause, elle ajouta :

    -         - Clara, si tu es bien là… Il faut que tu saches qu’aucune d’entre nous ne sait pourquoi tu t’es suicidée. Nous avons toutes été choquées et peinées par ce que tu as fait.

    La lumière s’éteignit à nouveau. Cette fois-ci, Naya sauta pour de bon. Se pouvait-il vraiment que Clara… ? Non, ce n’était pas possible… Mais alors, comment expliquer ce qui venait de se passer ? Les filles commençaient à parler entre elles, émettant l’hypothèse que c’était Clara qui, par le biais de la lumière, essayait de communiquer avec elles.

    -         - Clara… essaya de continuer Julie en couvrant les voix des autres. Nous sommes toutes désolées de ne pas avoir pu t’aider.

    La lumière se ralluma. Cette fois, c’en était trop. Naya se leva et se dirigea vers le couloir. A ce moment précis, la lumière s’éteignit à nouveau. Puis elle s’alluma, puis elle s’éteignit, puis elle se ralluma, puis elle s’éteignit une fois de plus. La pièce était à nouveau plongée dans le noir, éclairée par les quelques bougies qui ne suffisaient pas à permettre aux jeunes filles de voir à plus d’une cinquantaine de centimètres devant elle. Naya, elle, s’était bloquée dans son mouvement et attendait de voir si la lumière allait s’allumer à nouveau.

    -        -  Lâche-moi ! cria une fille.

    Toutes se retournèrent vers l’endroit d’où avait jailli ce cri. En effet, Mégane agrippait le bras d’Ophélie qui se débattait pour se libérer.

    -        -  C’est de ta faute si elle est en colère ! cria-t-elle à l’adresse de Mégane. Tout est de ta faute… Tu ne comprends pas ?! Elle ne nous laissera jamais en paix !

    Naya n’arrivait pas bien à distinguer le visage d’Ophélie mais, au son de sa voix, il semblait qu’elle pleurait.

    -          - Qu’est-ce que tu racontes ? demanda la voix d’Elise.

    -         - C’est… c’est pas ma faute, balbutia Ophélie. C’est la sienne.

    -         - Tais-toi ! hurla Mégane.

    La lumière se ralluma. Ophélie se redressa et cria :

    -         - C’est elle qui l’a poussée ! Et elle m’a menacée pour que je me taise !

    Elle avait les yeux gonflés et le visage cramoisi.

    -         - Qu’est-ce… qu’est-ce qu’elle raconte ? demanda Magaly d’un air hébété.

    Mégane se leva à son tour et foudroya Ophélie du regard. Cela n’empêcha pas cette dernière de continuer :

    -         - Je préfère tout avouer maintenant que de passer le reste de ma vie à avoir peur que son fantôme me hante…

    -         - Dis-nous ce qui s’est passé, lui intima durement Julie.

    -         - Cet après-midi-là, nous étions allées nous promener avec Mégane… Elle m’avait demandé d’aller acheter du jus de fruit. Elle m’attendait sur ce pont en dessous duquel on a retrouvé Clara. Quand je suis revenue, je me suis rendue compte que je m’étais trompée de jus. Mégane m’a crié dessus.

    Elle lança un regard accusateur à cette dernière.

    -       -   Clara passait sur ce pont à ce moment donné, continua-t-elle. Je ne sais pas pourquoi elle était là, mais elle nous a entendues. Elle s’est interposée entre Mégane et moi et l’a giflée. Elles se sont battues et au cours de la bataille, Clara est tombée.

    Toutes les filles à l’exception de Mégane et d’Ophélie étaient bouches bée. Ainsi donc, non seulement Clara ne s’était pas suicidée, mais elle était morte à cause de Mégane, et qui plus est pour un jus de fruit.

    -        -  Ce… Ce n’est pas ma faute ! ajouta Ophélie. Après ça, nous somme descendues mais nous n’avons pas vu Clara. Mégane m’a menacée pour que je garde le secret sur ce qui s’était passé. J’avais peur, alors je n’ai rien dit.

    Ces révélations laissèrent sans voix Naya et les autres.

    -         - Arrête de tout mettre sur mon dos ! intervint finalement Mégane. C’était un accident, je ne l’ai pas intentionnellement jetée.

    Elle semblait furieuse mais en même temps apeurée. Naya n’arrivait pas à définir comment elle se sentait.

    -         - Alors… Comme ça, vous saviez que Clara ne s’est pas suicidée et vous l’avez gardé pour vous ? demanda Elise avec colère. Savez-vous à quel point sa famille souffre parce qu’elle ne comprend pas son geste ? Vous avez pensé à ça ?

    -        -  Nous ne sommes qu’en seconde ! répliqua Mégane avec colère. Tu voulais qu’on fiche nos vies en l’air alors qu’elle n’a même pas commencé ?!

    -         - C’est elle qui m’a forcée à garder le secret ! s’écria Ophélie en pointant Mégane du doigt.

    Celle-ci l’attrapa par le col et commença à la secouer.

    -        -  Ça te plait bien, hein, de me mettre tout sur le dos ! s’écria-t-elle. Mais tu sais très bien que Clara et moi n’étions pas les seules à nous battre… En voulant la dégager de moi, tu as participé à la faire tomber… Rappelle-toi. Alors arrête de me faire porter toute la responsabilité ! hurla-t-elle.

    D’un coup, Ophélie la poussa en arrière et Mégane la gifla violemment en retour. Le sang de Naya ne fit qu’un tour. Elle se précipita sur Mégane l’empoigna par le col comme elle l’avait fait avec Ophélie. Elle remarqua que Mégane avait les larmes aux yeux. Cependant, Naya avait accumulé tellement de rage en elle qu’elle laissa tout exploser à cet instant présent. Les deux filles commencèrent à se battre comme elles l’avaient fait dans la cuisine. Autour d’elles, les autres filles essayaient de les retenir ou de s’interposer mais en vain. Naya réussit à attraper Mégane au niveau du cou, ce qui eut pour effet de stopper immédiatement la brune. Naya avait réellement envie de l’étrangler à cet instant précis ; elle était responsable de la mort d’une de ses amies mais ne montrait aucun signe de remords. Au contraire, elle avait menacé une autre fille pour garder secret son méfait…

    A sa grande surprise, des larmes commencèrent à rouler sur les joues de Mégane.

    -         - Vas-y, fais-le, lança-t-elle avec une pointe de défi. Tu en as tellement envie… Après tout, j’ai tué ton amie… Vas-y !

    Elle pleurait réellement. Naya desserra ses doigts autour de la gorge de Mégane et ses mains glissèrent sur les épaules de la jeune fille. Elle se sentit tirée en arrière et atterrit dans les bras d’Océane.

    -         - C’est fini, lui chuchota-t-elle. C’est terminé.

    -         - Je vais appeler la police, déclara Julie.

    -         - Tu vas payer pour ce que tu as fait ! cracha Ophélie à l’adresse de Mégane.

    -        -  Ferme-la ! cria Magaly. Si tu avais un peu plus de respect, tu aurais révélé ce que tu savais bien avant aujourd’hui… Alors fais profil bas.

    Toutes les invitées étaient sous le choc. Comme elle l’avait dit, Julie appela la police qui ne tarda pas à arriver. Ophélie et Mégane furent emmenées et les autres filles furent interrogées plus tard. La mère de Naya vint chercher sa fille ainsi qu’Océane ce soir-là. Naya garda un souvenir très flou de ce qui s’était passé après son altercation avec Mégane dans le salon.

     

    [Une semaine plus tard]

     

    -         - Alors c’était juste un problème de branchement ? s’étonna Magaly.

    -     - Oui, confirma Julie. Les installations électriques dans notre rue sont assez vieilles et il fallait bien qu’elles lâchent à un moment donné…

    -        - C’est fou, lança Océane. Si les installations n’étaient pas mauvaises dans ta rue, nous n’aurions peut-être jamais su ce qui s’était réellement passé.

    Naya jeta un regard autour d’elle et sourit. Elles s’étaient retrouvées ce jour-là sur la tombe de Clara, pour lui « dire au revoir une dernière fois ». Toutes affublées de vêtements sombres, assises à même le sol, pouvaient enfin se sentir en paix. Toutes n’étaient certes pas venues, mais Clara n’avait pas sympathisé avec tout le monde dans la classe. Elle essuya une larme au coin de son œil et déclara :

    -         - Maintenant, au moins, on sait qu’elle ne s’est pas suicidée, que ce n’est pas notre inaction qui a causé sa mort…

    Les autres filles acquiescèrent. Elle soupira. Malgré cela, c’était tellement injuste que son amie soit décédée pour une raison aussi stupide… Julie et les autres filles qui étaient venues se levèrent.

    -         - J’aimerais rester encore un peu, murmura Naya.

    Océane resta avec elle tandis que les autres filles commencèrent à s’en aller. Avant de partir, Julie lui donna un petit carnet usé.

    -         - Tu crois que ça va aller pour Ophélie et Mégane ? demanda Océane après que les autres soient parties.

    Les deux filles avaient été reconnues coupables pour la mort de Clara, mais on ne savait pas encore ce qui allait advenir d’elles.

    -        -  Je ne me suis jamais vraiment entendue avec Mégane, reprit Océane, mais elle n’avait pas tort ; elles sont si jeunes… Et maintenant leur vie est peut-être fichue…

    -         - Je ne pense pas, répliqua Naya. Quand je me suis battue avec Mégane dans la cuisine, je suis sure qu’elle a pleuré. Pareil dans le salon, elle voulait elle-même que je la punisse puisque personne ne l’avait fait avant. Avec du recul, je pense très sincèrement qu’elle n’était pas aussi tranquille à propos de ce qui s’était passé que ce qu’elle voulait nous faire croire.

    -          Maintenant que tu le dis, il semble en plus qu’Ophélie était impliquée dans cet accident…

    -         - Je sais. D’ailleurs, même si ce n’est pas à l’origine la faute d’Ophélie, ça l’a plutôt arrangée de se cacher derrière Mégane, ce qu’elle a toujours fait, plutôt qu’assumer sa part de responsabilité dans cette histoire.

    -          Naya, tu penses vraiment qu’elles vont réussir à s’en remettre toutes les deux ? demanda Océane.

    -         - Je l’espère, murmura Naya. J’espère que si Mégane a l’impression d’être punie pour ce qu’elle a fait, elle pourra repartir de l’avant après ça et passer à autre chose.

    -         - Tu as raison… approuva Océane.

    Elle lui proposa ensuite de rentrer. Elle avait raison, ce mois de novembre était glacial et elle n’était pas obligée de rester devant une tombe pour que ses pensées accompagnent la défunte.

     

    Le soir-même, elle ouvrit le carnet que lui avait donné Julie à la dernière page remplie et en lut le dernier paragraphe.

     

    « Ophélie continue à vivre dans l’ombre de Mégane sans laisser s’exprimer sa propre personnalité. Je trouve ça dommage… Mégane doit surement avoir eu un passé très compliqué pour avoir à ce point besoin d’exercer une domination sur une autre personne. De l’autre côté, Ophélie n’arrive pas non plus à laisser s’exprimer celle qu’elle est… Manque de confiance ? Je ne sais pas, mais je suis sure qu’elles ont besoin de se décrocher l’une de l’autre pour vivre comme des êtres à part entière. »

     

     

    Naya referma le carnet en laissant couler une larme qu’elle espéra être la dernière. « Peut-être qu’après tout, tu les auras aidées au final. » Elle espérait ne pas se tromper.

    FIN

     

    Le petit mot pour la fin... Merci à Candice ! (tu sais pourquoi ^^)


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